La mystique 6000D, course des géants, fêtait ses 20 ans. Pour l'occasion,
l'organisation innovait en augmentant de 5 km ( !!!) le parcours afin de
passer dans les stations de La Plagne. De quoi faire perdre le nord à une
boussole dans tous ces noms: Aime 2000 la Plagne; Plagne Centre; Belle
Plagne; Plagne Bellecôte; Les Coches; Montchavin. Ouf! on a échappé à Plagne
Soleil et Plagne Village. Autre changement, le départ se fait le samedi de
Aime car ils ont concocté un ultra de 110 km qui passe dans la vallée du
parc de la VANOISE. Une moulinoise s'est aventurée sur cette nouvelle
épreuve, devinez qui?
A 8 heures, au départ, nous démarrons sous un superbe ciel bleu avec une
température agréable. Ce qui n'était pas évident la veille au soir où nous
avons essuyé une pluie assez conséquente pendant notre ballade digestive.
Après environ 3 km de plat, nous attaquons la montée vers Aime 2000 La
Plagne soit 1437m D+ pour 12 km, une moyenne de 12% avec pas mal de
monotrace dans les bois. Voilà une mise en jambe qui réchauffe, il le faut
car avec l'altitude, on ressent une légère fraîcheursous les arbres. Pour
des Bourbonnais, il nous faut quitter nos références auvergnates : montée du
Puy de Dôme et autre Pastourelle. Je découvre ce qu'est la course de
montagne.
La montée continue jusqu'à la Roche de MIO qui se situe à 2675 m où, heureux
public qui est monté par le téléphérique, nous encourage et il y en a besoin
pour la suite car nous sommes au 23éme km sur 60 à faire. La vue panoramique
est exceptionnelle et permet de voir une multitude de sommets dont le MONT
BLANC. Enfin une descente jusqu'au col de la Chiaupe ou j'exige de mes
jambes qu'elles veuillent bien se mettre en mode roue libre en quittant le
braquet de montée. Je sens bien qu'elles renâclent pour finalement m'obéir.
En bas, le ravitaillement nous attend avec des bénévoles très conviviaux.
J'en profite en prenant mon temps avant d'attaquer le clou de la 6000D, le
glacier de Bellecôte. C'est un pierrier redoutable avec un dénivelé de 25 à
30% sous le soleil, il faut considérer que c'est une chance mais dans la
souffrance de la montée, on ne souhaite qu'arriver en haut en jouant avec
ses limites. Sous la pluie, ça aurait été dangereux avec le risque de
glissade. Je croise Benoît LUCHET qui lui descend très concentré sur le
placement de ses pieds.
Exténué, on peine à savourer les applaudissements du public au sommet du
glacier, enfin ce que je crois être la fin. Après m'être hydraté au point
d'eau, je prends un violent coup au moral. Je croyais en avoir terminé avec
cette escalade mais se dresse devant moi un mur de pierres à grimper à 50 m.
C'est terrible pour le mental, j'aurais dû mieux étudier le road book.
Puis ce sera la descente très technique en trace directe dans les pierres,
avec des passages dans les névés. Et là, chacun sa technique dans cette
neige humide, en glissage, style skieur ou sur le postérieur, voir à plat
ventre, le style est libre. L'équilibre est précaire et les chutes
inévitables mais sans conséquences. On repasse par le col de la Chiaupe.
Ravitaillement et c'est parti pour une bonne descente. Puis de nouveau ça
monte pour passer le col de l'Arpette et les jambes commencent à être
lourdes.
Ensuite tout schuss, jusqu'à Belle Plagne et Plagne Bellecôte. Au ravito, le
solide à du mal à passer, je me contente de boire et de raccrocher mon
dossard qui s'est détaché à Belle Plagne. Je peine à repartir, la fatigue
commence à se faire sentir au bout de 6h50 de course. Pourtant je devrais
être stimulé selon les indications du road book ,il n'y a que du dénivelé
négatif.
Je vais constaté très vite qu'il y a une succession de descentes et de côtes
dans les 19 km restants. Le D+ n'était pas mentionné. J'essaie de faire
jouer le mental mais quand il descend dans les chaussettes, les jambes
pèsent des tonnes. Physiquement j'ai un poing de côté lorsque je cours sur
le plat alors que j'ai l'impression de me traîner et de ne pas être en
sur-régime. Obligé de marcher avant de repartir quand ça descend. Il me faut
plusieurs km pour me remettre. Je me motive en parlant dans cette phase
dépressive. Puis je deviens euphorique sur une monotrace dans les bois et
là, je réalise ma classique chute (au moins une par trail ) dans un roulé
boulé tout à fait remarquable exécuté dans une descente, comme d'habitude,
sans conséquence apparente. C'est à se rouler par terre !!!
La gentillesse des spectateurs a nous encourager en nous donnant les km
restants, fini par être contre productif, quant au bout de 3 fois, à des
endroits différents, on nous annonce le même nombre: 4 km.
Le dernier tronçon se déroule sur le bitume pendant au moins 3 km. Il me
sera terriblement pénible bien que l'on longe une rivière. Une seule
obsession: terminer peu importe le temps. Après l'arrivée, un passage au
massage précédé d'une electrostimulation pour le retour veineux, je retrouve
les autres géants de l'Eamya.
Benoît est très satisfait de sa perf et de sa place. Il avoue humblement
avoir peiné dans la dernière partie. C'est rassurant et ça rend humain de
voir que des personnes très supérieures à mon niveau sont également dans la
souffrance à certain moment et que tout ne leur est pas facile contrairement
à ce que l'on peut s'imaginer. Benjamin semble avoir bien récupéré. Alain
est sous le coup de l'effort qu'il vient de faire et a le blues. Jean Michel
est tout frais après avoir pris une douche froide, c'est à se demander s'il
n'a pas pris le téléphérique pour descendre.( je plaisante).
Les 5 engagés de l'EAMYA dans cette course des Géants ont tous rejoint
l'arrivée de cette épreuve de montagne redoutable qui passe à plus de 3000m
d'altitude. Là, réside la victoire :celle de terminer qui plus est sans
blessures ni troubles physiques nécessitant l'intervention des secours . On
mesure rarement cette chance d'être sur ses 2 pieds car voir l'état de
certains sous la tente médicalisée permet de relativiser les moments de
galère sur le parcours.
J'ai découvert en lisant une revue que la 6000D était labellisée comme une
SKYRUNNING ( j'ignorais l'existence de ce terme) dans un challenge mondial.
Cela expliquant la dureté de cette course qui n'a d'égale que la beauté du
paysage. Mais c'est encore plus beau le lendemain en téléphérique.
Toutefois, je me pose quelques questions sur les 5 km rajoutés cette année,
un vrai mystère car le vainqueur Dawa SHERPA met pratiquement une heure (57mn) de plus que l'année dernière pour faire cette distance. Aurait-il faibli à ce point?
Le milieu de tableau accuse un décalage de 1h45' avec 2008. Toutes les
hypothèses sont possibles ( exactitude du nombre de km?, dénivelé positif
supérieur?).
C'est une course dont je me souviendrais où il faut aller au bout de soi
pour puiser des ressources que l'on ne se connaissait pas . Il faut noter la
très bonne organisation et l'amabilité exceptionnelle des bénévoles ( mille
fois merci à eux).
Jean-Claude SALIGNAT