Une photo en dit long mais peut-être pas assez.

Une photo dévoile les secrets à moins qu’elle ne les déforme ou ne les transfigure.  

Du déjà vu direz-vous ? Certes, oui, cette image a déjà fait l’objet d’un traitement orienté. Mais malgré tout, elle me semblait singulière, sans pour autant l’être. Explications…

Son format allongé rectangulaire n’est pas commun ; il provient d’un appareil numérique paramétré dans ce sens. Cette vision panoramique donc permet de mettre en exergue un décor un peu plus vaste et dans notre cas un ensemble important d’acteurs. Mais plus encore il permet une vision plus rapprochée sur ces acteurs. Des peintres ont souvent utilisé ce procédé à commencer par Léonard de Vinci qui, de son approche visionnaire connaissait déjà l’impact de l’image. Dans son tableau l'Ultima Cena, soit « le Dernier Repas » ici repris par Giacomo Raffaelli, il allonge les proportions traditionnelles dans le but bien précis d’y inclure nombre d’éléments signifiants. Loin pour moi l’idée d’analyser La Cène, je n’en ai pas les compétences mais une exploration de ce tableau au regard de l’image photographique ci-dessus me parait intéressante et signifiante.

D’un point de vue purement graphique ou descriptif, voyez les similitudes de notre photo avec le tableau et c’est en partie en cela qu’elle n’est pas si singulière. Un homme au centre, bien visible car détaché des autres personnages, différent car déjà plus grand et sur une bicyclette, quelque part majestueux, est entouré de ses disciples en masse et entremêlés. Plus encore, les trois enfants de droite proposent la même orientation de tête que sur le tableau du maitre. Pour renforcer la similitude à ce trio les couleurs y mettent même leur petite touche notamment le orange. Cette image qui certes n’est pas aussi symétrique présente une partie gauche composée aussi de son lot de personnages dont le nombre ne se différencie pas de celui du tableau. Quelques regards sont d’ailleurs tournés vers le référent du groupe avec une mise en avant d’un personnage isolé. En effet le violet de l’enfant attirant le regard du spectateur le met en relief au même titre que l’inaction du seul personnage de La Cène dont le regard ou le geste n’est pas porté vers le centre.

Poussons le descriptif par les lignes, celles qui proposent la verticalité de l’image malgré son format. Le poteau central remplace la fenêtre de la peinture pour augmenter la perspective. Il s’épare l’image en autant de fractions de chaque côté à l’aide des poteaux de moindre dimension. Bon, il manque l’alignement avec le personnage central…

Pas de table ici mais tous sur le même piédestal en l’occurrence la terre stabilisée du stade. Sur notre tableau, les douze hommes, les apôtres partagent le pain avec Jésus. Il n’y a que des hommes à l’inverse de notre photographie où garçons et filles sont regroupés. Ils sont treize à table et notre groupe n’a pas choisi ce compte comme par superstition car sachez que le nombre de treize à table provient de cet instant de l’évangile où Jésus leur dit qu’un d’entre eux le trahira. La discussion est âpre et dans un coin de la tête d’un apôtre la réflexion murie. Juda, le treizième, n’est autre que la quatrième tête à partir de la gauche, celui qui tend la main gauche pour attraper le pain comme s’il voulait le beurre et l’argent du beurre et qui plus est avec la main du diable. Loin de là la comparaison avec la photo où le mélange est différent. Même si la parole ici est libérée, il s’agit tout de même d’un instant de partage (verbal ou non d’ailleurs) autour d’un même sujet (la course) ; sujet sur lequel les protagonistes vont en découdre sous le regard conscient et guidant du chef mais avec aussi son incapacité à lutter contre l’échéance finale : le résultat. Il n’a pas le pouvoir de l’issue, seul celui de l’avènement. Un entraineur peut préparer ses athlètes comme un maitre prépare ses disciples mais il ne peut influer sur le résultat de chacun tout comme sur celui de tous. Chacun choisira la voie de la raison qui lui semble opportune et pertinente à un moment de sa vie, chacun fera selon ses possibilités du moment. L’entraineur lui, comme Jésus, s’en sortira après son arrestation, la veille de sa Crucifixion et trois jours avant sa résurrection. Le dissident sans doute plus difficilement…

Encore faut-il qu’il y ait ici un dissident ? Encore faut-il y croire ? Alors ! Similitude ou pure fiction ?

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