Une photo en dit long mais peut-être pas assez.

Une photo dévoile les secrets à moins qu’elle ne les déforme ou ne les transfigure.

14. Ils sont bien 14 à sourire face à l’objectif en cette fin d’après-midi où le soleil étire les ombres et éclaire les profils. Dos ainsi tournés au Sud, tourné à l’adversaire du jour, les hommes en rouge, la concentration à son apogée ou plutôt la pression décomplexée. Fraicheur du décor, arbre dénudé au premier plan ; non ce n’est pas l’été mais bien l’hiver le temps d’un cross, une simple course comme toutes les autres mais cette fois sur herbe et sur un parcours rapide et déroutant.

Ils appartiennent tous au même club quoiqu’en disent les maillots ; ils sont tous bleus arborant le sigle de l’EAMYA au-dessus du cœur. Ce sigle va les porter durant toute la course qui bien entendu, vu les visages et la posture corporelle n’a pas encore eu lieu. Deux intrus parmi eux : l’un au sigle inversé, sans doute une erreur de conception du maillot, la signification n’étant pas la même…, l’autre ajoutant au maillot une couleur chaude à l’image d’un cœur car il court pour Lou.

Le noir se marie avec le bleu, le noir et le blanc selon son goût. Les pointes sont affutées mais par pour tous, certains préfèrent chausser des tout-terrains. Bonnets, casquette ou manchons couvrent les têtes frileuses, gants pour les sensibles des extrémités. On se tient et on se réchauffe les uns avec les autres. Dans quelques minutes il faudra emballer les pulsations. Les pulsations de ce cœur qui bat depuis des lustres puisqu’il s’agit là des représentants de la catégorie des vétérans. Ici c’est le temps de la décontraction, ce temps qu’on sait prendre pour éviter l’augmentation cardiaque, ce temps qu’on sait prendre car avec l’âge on a appris ce qu’il signifiait. On enlève le stress, on se libère avec les autres, c’est l’esprit du groupe, c’est l’atout de la relation sociale. Et on pensera pendant la course au classement personnel pourquoi pas mais surtout à ce classement par équipe ; celui pour lequel on se bat de tout son cœur existant.

Nous sommes entre deux eaux, pour certains le départ s’est déjà produit pour d’autres il est en attente car le départ d’une course ne dépend pas que de la ligne blanche franchie. La course est dans la tête avant d’être dans les jambes. La course est un état d’esprit et c’est ici celui de la fraternité.