Une photo en dit long mais peut-être pas assez.

Une photo dévoile les secrets à moins qu’elle ne les déforme ou ne les transfigure.

Le premier plan de cette photo prise en plein air sur un stade d’athlétisme illustre à lui seul le contenu de cette image.

Une sphère grise telle un boulet de canon jonche le sol herbeux, lieu de retour inéluctable trop vite atteint pour les uns, trop proche pour les autres. La durée en l’air n’augure pas forcément l’importante distance. La vitesse de démarrage de l’objet en revanche est un gage de réussite. Cependant le lanceur doit être capable de conjuguer vitesse du bras (poids au menton obligatoire) et placement d’un corps alliant stabilité et orientation du lancer. La difficulté devient d’autant plus grande que le poids ici présent pèse 7 kg soit plus d’un pack de 6 litres de lait. 7 kg à propulser de la main et pour qu’ils partent vite, il convient de donner de la vitesse au bras sur le plus long trajet possible. C’est alors que le corps s’allonge du sol au ciel, du pied à la main lanceuse. Les doigts jouent là un rôle essentiel, maintien de l’objet sans que le poignet ne flanche, prolongement pour atteindre le graal. L’acte est donc complet et l’enracinement du lanceur au sol doit être à l’image de l’amplitude de ses bras. Tel un arbre dynamique, le lanceur doit aussi se servir de son élasticité et de sa réactivité. Raphaël Vaudoin en est conscient et sa conscience est d’autant plus affutée que son rôle d’entraineur dans la discipline des lancers lui impose de disséquer un minimum la discipline. Il n’est d’ailleurs pas à sa première compétition, loin de là, mais c’est tout le même la compétition où il a amélioré son record à plus de 10 m, à force d’entrainements. « Force » étant bien le mot mais pas uniquement, la technique doit s’ajouter à cet aspect. Et pour une compétition, trois sphères seulement sont généralement proposées. Elles sont ici visibles mais ne seront pas lancées les unes après les autres.

Au-delà donc du lanceur, la performance ne saurait être homologuée sans la nécessaire présence des juges qui dans les lancers doivent faire preuve d’un regard exercé pour repérer l’impact au sol. Pour le poids, certes, souvent celui-ci provoque un creux et il est donc plus facile de prendre la mesure mais imaginez le disque qui rebondit ou le javelot qui peut fuser. En plus d’une prise de performance exigeante, il faut penser à sa sécurité. Annick Cony sur le côté le sait pertinemment et non qu’elle n’est pas concentrée ici, au contraire, son rôle en plus de prendre la mesure à partir du cercle de volte est aussi de vérifier si le lanceur par inadvertance ou excès d’enthousiasme ne place pas un pied en dehors ce qui provoquerait une disqualification du jet. Et ne comptons pas ici sur du favoritisme, un juge est neutre même si par moment un regard ou un mot d’encouragement peut flotter dans les airs ; plus longuement que le projectile…